On entre dans l’atelier de b.philippe et l’on est saisi en apercevant, de loin, ce qui semble être une répétition de modules unitaires : de minces toiles verticales, chacune habitée par une unique forme. On imagine un instant que la démarche de l’artiste est comparable à celle d’un Carl Andre, marqué par les alignements mégalithiques contemplés dans l’enfance. Or ce n’est pas cela : l’art n’en aura sans doute jamais fini avec la répétition, mais Philippe ne fait que répéter un format et un parti : celui de peindre des personnes, seules sur fond écru. Toutes ont les pieds nus, toutes sont jeunes. Garçons et filles de la génération de Philippe, tous connus de lui et tous fortement individualisés. Il leur a demandé de se coucher sur le sol, libres de leur comportement, il les a photographiés en se plaçant au-dessus d’eux, les clichés ont été photocopiés et sont devenus la matière première d’un étonnant travail de peinture. Les voici présentés à la verticale, et une légère ombre portée à la base de chaque sujet contribue à perturber le spectateur : étranges positions que celles de ces jeunes gens dont il est indiqué qu’ils sont debout, mais dont on se demande comment ils parviennent à garder leur équilibre. Aucun ne « pose » devant nous car aucun ne nous regarde : on est revenu aux personnages absorbés de la peinture classique. La touche est vigoureuse : de très près elle rappelle celle de l’expressionnisme abstrait. D’un peu plus loin elle est efficace : b.philippe peut être réaliste s’il le veut. Mais il semble avoir en tête autant Velasquez et Manet que les pop et les hyperréalistes. Bref : un magnifique et savoureux exercice plastique construit sur une énigme visuelle qui ajoute à son charme. On reparlera de ce jeune peintre à la fois totalement en prise avec son temps et intimement relié à l’histoire de son art.
Jean-Luc Chalumeau septembre 2006

Quand un tout jeune homme remonte aux sources de l'art et y découvre
la peinture.
Pour s'en approcher, il commence par faire une sorte de grand écart.
Un projet : peindre sa génération, peindre ses proches, peindre le vif, le plus vivant, dans la posture d'un mime de la mort, étendu mais debout, inerte
mais terriblement habité. Chacun de ses personnages n'est qu'allongé, pas mort, bien vivant et même, dansant. Des individus, vraiment individués, mais tous plus ou moins rendus inertes par la pose. Posture de la peinture même, arrêtée en plein vol, toujours. Et pourtant non, le trait bouge encore quelque chose d'une énergie circule.
Troublant. Perturbant, au premier coup d'œil. Au deuxième aussi, un rien légèrement plus grand que nature, ou à peine plus petit. Toujours décalé.
La peinture comme décalage du réel, décalage et perception toujours Autre.
Un grand écart qui est aussi une poétique de l'inerte. La peinture de l'entre-deux, la peinture remplissant tous les écarts. La matière même de la peinture et sa conception la plus haute en même temps.
Une lumière qui éclaire chaque panneau de toute l'histoire de la peinture,
une fresque qui sourd d'un fond de matière brute comme un clin d'œil au passé, un scalpel de lumière qui déchire les arêtes des visages avec la même cruauté qu'un Caravage, les plissés antiques revisités en blue-jean…, une réappropriation de la figuration d'hier, d'aujourd'hui, et sans doute de demain. Ce jeune homme est à l'âge de toutes les exigences. Il ne s'épargne pas. Son pinceau comme un couperet dans le vif du sujet. L'intransigeance même.
Ainsi, dès son commencement, B.Philippe résout le plus grand problème de l'art : qu'y a-t-il entre la vie et la mort? La peinture. Rien que la peinture mais toujours et terriblement au temps présent. La présence de la peinture même.
La vie arrêtée, c'est-à-dire le propre de la peinture, suspendue, en une éternité active. La dynamique de l'éternité.
Sophie Chauveau

La peinture, une quête solitaire ? Non.
Définitivement non.
On n’est rien sans les autres.
Une série donc, sur “les autres”, en suspension...
Il flotte en eux quelque chose d’étrange,
comme en un point d’inflexion...
L’immobilité et le mouvement, la présence et l’absence,
l’individu et l’accumulation, l’image et la peinture,
voilà ce qui s’est joué pour moi.
De la couleur, de la rigueur et une génération,
la “mienne” autant qu’elle puisse être mienne...
De la peinture comme un combat joyeux.
De la figuration comme une question.
Et le reste, c’est vous qui voyez !
b.philippe